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doit enseigner quel phénomène il faut poser pour qu’apparaisse celui qu’on a en vue. Rien ici ne commande que les deux phénomènes se ramènent l’un à l’autre pour l’esprit : ils peuvent n’avoir entre eux aucun rapport logique. D’autre part, Descartes, prenant pour type, non la production matérielle, mais les mathématiques ou production idéale, estime que la science exacte consiste à partir d’éléments rationnellement simples et à composer, avec ces éléments, suivant une déduction rationnelle, des touts semblables pour l’essentiel aux objets que l’expérience nous présente.

Or, soit que l’on suive la direction de Bacon, soit que l’on suive celle de Descartes, il paraît difficile de constituer la psychologie comme science. Les lois baconiennes, qui consistent en rapports constants de coexistence ou de succession, vont-elles se retrouver dans des manifestations dont la complexité paraît infinie, dont l’instabilité paraît essentielle ? D’autre part, une explication mathématique, telle que la réclame Descartes, pourra-t-elle s’appliquer à ce qui semble réfractaire à la mesure ? La science étant envisagée comme un ensemble de lois physiques ou comme une démonstration mathématique, c’est, pour ainsi dire, un paradoxe de vouloir constituer la psychologie comme science. Pourtant les modernes y ont tendu de toutes parts. Voyons quels ont été les résultats de leurs efforts.

C’est dans la philosophie de Descartes lui-même qu’apparaît la première réalisation de la psychologie comme science. Descartes distingue deux domaines, celui de la pensée et celui de l’étendue. Ce dernier est l’objet propre de la science, tandis que l’esprit en est l’auteur. Dès lors, pour devenir objet de science, l’âme [105]