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118 COQUILLES.


d’Abraham Echellensis, il cite un passage de saint Matthieu (ch. VIII, v. 3) : Quid vides festucam in oculo fratris tui et trabem in oculo tuo non vides ? Le mot oculo, se trouvant à la fin de la ligne, fut divisé ainsi : o- culo ; par un des mille accidents qui incombent à la typographie — lettres cassées, enlevées par le rouleau, etc. — l’o fut enlevé et il ne resta plus que culo (encore intraduisible, mais que le lecteur devine par analogie).

Echellensis cria au blasphème, au sacrilège ; Flavigny protesta de son innocence, et montra les épreuves qu’il avait eues sous les yeux et dans lesquelles le texte n’était pas altéré. Cette démonstration ne suffit pas, et il fut obligé de jurer solennellement en public qu’il n’avait eu aucune intention coupable.

On prétend que la légende de sainte Ursule et des onze mille vierges, ses compagnes, est due, comme Vénus sortant des ondes, à cette coquille d’un traducteur. Le texte latin portait que sainte Ursule et sa compagne Undecimille avaient été martyrisées le même jour. Le traducteur, étonné de rencontrer le nom Undecimille, excessivement rare, supposa que le texte était altéré et qu’il fallait lire undecim millia c’est-à-dire onze mille.

Voilà pourtant comme se font les légendes !

C’est une confusion analogue qui a donné naissance à saint Rustique et à saint Éleuthère. Ces deux mots étaient, dans le vieux texte relatant le martyre de saint Denis, deux épithètes appliquées à l’évêque de Paris. On en fit plus tard deux compagnons de l’évêque, mis à mort en même temps que lui.