Page:Boussenard - La Terreur en Macédoine, Tallandier, 1912.djvu/8

Cette page a été validée par deux contributeurs.
3
la terreur en macédoine

À quelques lieues de Prichtina, le village de Salco est en fête. Et cette fête est d’une surabondance, d’une grandeur et d’une simplicité bibliques.

Nikéa, la fille du maire — mouktar — Grégorio Perticari, épouse Joannès, le fiancé adoré, l’ami si cher de ses jeunes années. Un couple magnifique.

Elle, d’une beauté triomphante, comme son nom venu du grec : Nikê, Victoire. Beauté célèbre qui lui a valu et mérité là-bas le nom de Nikéa la Belle, comme celui de notre ville d’azur et de soleil, Nice la Belle, qui fut aussi Nikê dans l’harmonieuse langue des Hellènes.

Blonde comme les épis, avec des yeux de saphir, noyés de tendresse, une bouche de rose qu’entr’ouvre l’heureux sourire de ses vingt ans… sourire d’amour, d’espoir, de félicité, et dont l’ineffable caresse ravit le jeune époux.

Lui, brun comme une tzigane, avec des cheveux d’un noir bleuâtre, des yeux de velours, larges, magnétiques, luisants comme des diamants noirs. Une fine moustache cache à peine ses lèvres violemment pourprées ; son menton recourbé, à la romaine, indique l’énergie, cette vertu qui manque aux Slaves ; ses épaules carrées, ses mains courtes, nerveuses, dénotent la vigueur. Avec cela, un regard de flamme, une voix de métal, une âme d’enfant naïf et bon, un cœur loyal et fidèle comme l’acier.

Le père vient de les bénir. L’œil obscurci par une larme attendrie, la voix tremblante, il ajoute :

« Enfants, soyez heureux !

« Les temps sont troublés… le présent est cruel et l’avenir sombre… mais vous avez santé, vigueur, amour, et votre âge est celui de l’espérance…