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la terreur en macédoine

D’un élan terrible, Joannès escalade la locomotive. Il se dresse, formidable, entre les deux hommes. Un cri jaillit de leur bouche. Un seul cri qui s’éteint dans un râle.

Empoigné aux flancs avec une vigueur inouïe, le mécanicien est jeté, comme un paquet, en dehors de la voie. Le chauffeur lève le bras pour frapper. Le poing de Joannès s’abat sur sa figure comme un marteau pilon et le culbute en bas, sur le mécanicien.

Il est seul sur la plate-forme. Ouvrir la porte du foyer est pour lui l’affaire d’une seconde… L’intérieur apparaît, chauffé à blanc !

Avec son calme effrayant, Joannès fouille dans son sac qui ne l’a pas quitté. Il en tire deux cartouches de dynamite et les jette, à toute volée, dans le foyer…

En même temps il saute en pleines ténèbres sur la voie. À peine a-t-il touché terre que l’explosion retentit. Sourde, étouffée, disloquant et secouant la machine qui se cabre sur les rails. Une partie du foyer vole en éclats. Des débris jaillissent de tous côtés, enveloppés de torrents d’eau bouillante et de vapeur. Une averse de charbons incandescents s’éparpille en mitraille et projette sur le sol d’éclatantes lueurs.

Assourdi, un peu grillé, un peu échaudé, mais sauf par miracle, le jeune homme s’élance hors de la voie au moment où les portières s’ouvrent avec fracas.

De chaque wagon, de droite, de gauche, et de tête en queue, les soldats épouvantés descendent en tumulte. Des hurlements de colère et d’effroi s’élèvent de la cohue tourbillonnante… puis des jurons, des questions brèves, entrecoupées de nouvelles clameurs.

Et dans le tohu-bohu de cette foule en proie à l’exaspération et à la terreur, une voix s’élève.