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Du sang de ses enfants assez souvent rougie,
Les succès les plus beaux & les plus glorieux
Ne sont pas sans chagrin pour les victorieux.
Si l’un s’en réjouit, l’autre s’en désespere ;
Tel embrasse son Fils, qui regrette son Frere ;
Et la Guerre après soi traîne tant de malheurs,
Qu’il est peu de Lauriers qui ne coûtent des pleurs.
Ceux qu’élève le Ciel aux Dignités suprêmes,
Maîtres de tant d’Etats, ne le sont pas d’eux-mêmes ;
Et lorsque de l’Hymen ils subissent les Loix,
C’est à la Politique à leur prescrire un choix.
Seigneur, Arsinoé fût-elle encor plus belle,
La Phrygie & la Paix ont plus de charmes qu’elle.
L’intérêt de l’Etat me fait parler ainsi :
Voilà mon sentiment.

CRESUS, à Esope.

Voilà mon sentiment.Et le tien ?

ESOPE.

Voilà mon sentiment.Et le tien ? Le voici.
Pour peu qu’à l’écouter votre bonté s’applique,
Vous verrez ce que c’est qu’un Hymen politique.