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Il n'est point de remords qui ne précède un crime : Et qui m'a fait l'affront de m'arracher sa foi, N'a plus rien à m'offrir qui soit digne de moi. Vous m'avez outragée, et ce m'est une joie Que d'un juste remords votre coeur soit la proie. Je voudrais que le Ciel, pour combler mes souhaits, Vous forçât à m'aimer autant que je vous hais. Au moins à votre tour vous verriez par vous-même Combien touche un mépris qui part de ce qu'on aime : Quoi que dans cet état la raison puisse offrir, C'est de tous les tourments le plus dur à souffrir. Vous sentiriez, pour peu que vous soyez sensible, Ce qu'a de plus affreux le sort le plus terrible : Pour vous tyranniser tout prendrait mon parti ; Et vous ne sentiriez que ce que j'ai senti.

Drusus

Hé bien, Madame, hé bien, si pour vous satisfaire Le retour de mes feux vous était nécessaire, S'il faut vous adorer pour mieux sentir vos coups ; Ne perdez point de temps, Madame, vengez-vous. À d'éternels mépris abandonnez un traître : J'ai pour vous un amour qui ne saurait plus croître ; Et pour bien éprouver toutes vos cruautés Me voila dans l'état où vous me souhaitez. Je ne m'oppose point à cette juste envie : À qui vit sous vos lois c'est un bien que la vie : Tandis que vous m'aimiez j'en avais quelque soin ; Si vous ne m'aimez plus, je n'en ai plus besoin : Je vous l'offre avec joie, et la perdrai sans peine, Si je fais en mourant expirer votre haine ; Et qu'après mon trépas votre courroux éteint,