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Agripine

Vous aimer ! Ah, Seigneur, qu'osez-vous me prescrire ? Songez-y : des malheurs vous souhaitez le pire. Vous garder ma tendresse, et l'oser mettre au jour, C'est blesser ma vertu, sans flatter votre amour : Car, enfin, quoi qu'aimé par l'aveu de mon père, À l'époux que j'aurai je me dois toute entière ; Et ne présumez pas qu'en un sort si cruel, Il échappe à ma gloire un désir criminel. Par amour l'un pour l'autre, amortissons nos flammes ; Arrachons de nos coeurs ce qui trouble nos âmes ; Ne nous souvenons plus de ces tendres discours, Que nos yeux éloquents se faisaient tous les jours : Effaçons avec soin de notre âme obsédée, Tout ce qui de nos feux peut retracer l'idée ; Et si l'heur de m'aimer fait vos plus doux souhaits, Veuillez m'aimer assez pour ne m'aimer jamais. Plus je suis avec vous, plus j'ai l'âme attendrie : Ne me revoyez plus ; c'est moi qui vous en prie : Accordez cette grâce à mes voeux empressez : Des maux que je vous fais, c'est me punir assez. Ramenez-moi, Pison. Adieu, Prince.

Germanicus

Ah ! Madame ! À travers vos discours je pénètre en votre âme : Au fils de l'Empereur votre coeur fait la cour ; Et votre ambition va trahir mon amour. Mon rival prés du trône, où j'ai droit de prétendre, Fait que jusques à moi vous craignez de descendre. Je ne murmure point, quel que soit votre arrêt : Mon amour qui vous plût, à présent vous déplaît. Hé bien, Madame, allez, perdez-en la mémoire ; À l'appas qu'on vous offre immolez votre gloire : Ne vous souvenez plus que l'amour que je plains,