Pour votre intérêt propre épargnez ma faiblesse, Madame. Jusqu'ici je n'ai rien mis au jour Qui soit honteux pour vous, excepté mon amour : Mais dans l'état funeste ou mon âme est réduite, Du désordre où je suis j'appréhende la suite. Vous voulez m'arrêter, et vos voeux sont les miens ; Mais pour me retenir forgez-moi des liens. Quoi qu'avoir des rivaux soit un sort déplorable, Si je n'en avais qu'un je serais consolable : Quand de votre main seule il serait possesseur, Je dirais en moi-même il m'en reste le coeur. Si du coeur au contraire il était le seul maître, De sa main, me dirais-je, il ne peut jamais l'être ; Et de chaque côté rencontrant des appas, Je serais satisfait de ce qu'il n'aurait pas. Mon tranquille destin n'aurait rien de funeste ; Mais à quoi que j'aspire aucun bien ne me reste ; Et de mes deux rivaux l'heur me rend alarmé, Puisque l'un vous épouse, et que l'autre est aimé. Au moins, pour m'arrêter, dites qu'on vous immole ; Que le coeur où j'aspire est un bien qu'on vous vole ; Que le fils de César en dispose aujourd'hui ; Qu'il serait tout à moi, s'il n'était tout à lui ; Et qu'enfin plus sensible à mon amour extrême...
Partez, Pison, partez, je vous chasse moi-même. Vous m'étiez nécessaire, et vous le saviez bien : J'attendais tout de vous, je n'en attends plus rien. Adieu ; contentez-vous d'une estime usurpée, Pour entrer dans mon âme elle est trop occupée.