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que l’on venait d’abattre à quelques pas du feu, en coupa un morceau, et revint tranquillement s’asseoir près du feu, sur son sac, et faire rôtir sa viande au bout de son sabre.

Plus de vingt soldats, dont une partie assis sur leur sac et les autres à genoux, faisaient aussi rôtir du cheval.

En face du chasseur dont je viens de parler, une femme était assise sur un sac de soldat. Elle tenait la tête penchée sur ses mains, les coudes appuyés sur les genoux ; une capote grise de soldat, par-dessus une vieille robe de soie en lambeaux, servait à la préserver du froid. Un bonnet en peau de mouton, dont une partie était brûlée, lui couvrait la tête ; il était tenu par un mauvais foulard de soie noué sous le menton.

Le chasseur lui adressa la parole de la manière suivante : « Dites donc, la mère Madeleine !… » Elle ne répondit pas. Ce ne fut qu’à la seconde fois qu’un soldat, qui était près d’elle, la poussa, en lui disant : « C’est à vous, la mère, à qui l’on veut parler ! — À moi ? dit-elle. Mon nom est Marie. Que me voulez-vous ? — Un petit coup de rogomme, comme à l’exercice ! — Pour du rogomme, vous devez bien penser que je n’en ai pas ! » Et elle se remit dans sa position première.

Une autre femme qui se trouvait aussi assise près du feu, avait, sur la tête, une schabraque ou peau de mouton bordée de drap rouge, découpée en festons et serrée autour du cou avec le cordon d’un bonnet à poil d’un grenadier de la Garde, dont les glands lui retombaient sous le menton. Elle avait aussi, par-dessus ses habillements, une capote bleue d’un soldat de la Garde. Cette femme, en entendant la voix du chasseur, leva la tête à son tour, en demandant celui qui voulait du rogomme : — « Ah ! C’est vous, la mère Gâteau ! répondit le chasseur ; eh bien, c’est moi qui demande du rogomme ! C’est moi, Michaut, qui vous parle ; vous êtes sans doute surprise de me voir ? Eh bien, si quelqu’un est plus étonné que moi de vous rencontrer, et surtout schabraquée comme vous êtes, le diable m’emporte ! Même avant le passage de la Bérézina, en pensant quelquefois à vous, chère mère Gâteau, je pensais qu’il y avait déjà longtemps que les corbeaux avaient fait une fristouille à la neige, avec votre vieille carcasse ! — Insolent ! répondit la mère Gâteau, ils