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Pierrette. Tu es trop jeune pour être si sage. Prends garde à la revanche… Et, puisque je t’ai parlé de Du Prat, as-tu de ses nouvelles ? »

— « Il est toujours sur le Nil avec sa femme, en route pour rentrer au Caire, » dit Hautefeuille ; « il insistait même pour que j’allasse les rejoindre… »

— « Et tu n’as pas voulu aller finir avec eux leur lune de miel.. C’est encore plus sage que de ne pas jouer, ce refus-là, » reprit Corancez… « Voilà ce que c’est que de ne pas faire son voyage de noces sur cette côte, comme tout le monde. On veut des sphinx, des pyramides, des déserts des dahabiehs, des cataractes, des temples en ruine… Et puis on s’ennuie de sa femme et on l’ennuie, avant même d’avoir pendu la crémaillère… »

— « Mais je t’affirme qu’Olivier est très heureux, » répondit Hautefeuille avec une vivacité qui attestait combien lui tenait au cœur l’ami dont Corancez parlait si légèrement. Puis, afin de couper court, sans doute, à tout nouveau commentaire sur l’absent : « Et, franchement, un voyage de noces ici ! Tu la trouves très amusante, toi, cette société ? … » Il montra d’un geste la poussée des joueurs autour des tables qui se faisait plus haletante avec l’heure. « De Nice à San Remo, c’est le paradis des rastaquouères. C’est commun, c’est brutal, c’est abominable, tout simplement. Une merveilleuse nature déshonorée par les hommes, voilà cette côte… Franchement, Olivier