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une impiété dans toutes les émotions qui n’ont pas eu l’être aimé pour principe. Eh bien ! Elle les expierait, ces émotions, en subissant cette présence… Hélas ? Olivier ne se bornerait pas à lui infliger le supplice d’être là, auprès d’elle. Il lui parlerait. Que lui dirait-il ? Que voudrait-il ? Que voulait-il ? … Ely ne s’y trompait plus une seconde : aucun des sentiments de cet homme à son égard n’avait changé. À travers le récit d’Hautefeuille, elle avait de nouveau entendu ce rire douloureux et insulteur, qu’elle connaissait trop bien, et avec ce rire était remonté vers elle ce flot de sensualité haineuse dont elle avait été flétrie jadis à ne s’en jamais laver. Après l’avoir outragée, piétinée, quittée, après avoir mis entre eux tout l’irréparable de cet abandon et de son mariage, elle comprenait cette chose monstrueuse, impossible de la part de tout autre homme, naturelle de celui-ci, qu’Olivier l’aimait encore… Il l’aimait, si c’est aimer que d’avoir pour une femme ce mélange détestable de passion et de rancune qui fait jaillir sans cesse la colère de la jouissance et la férocité du plaisir. Il l’aimait. Son attitude était inexplicable sans l’anomalie de ce hideux sentiment conservé en lui à travers tout et malgré tout. Et, en même temps, il chérissait son ami de cette amitié jalouse, ombrageuse, passionnée, qui devait à cette minute le supplicier par des émotions d’une douleur et d’une étrangeté inouïes. Où ne l’entraînerait pas la frénésie d’une pareille souffrance, affolante comme une lame d’acier tournée et retournée dans