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Ely était anxieuse, troublée, misérable. Lorsque enfin, à la lueur d’un de ces froids et livides éclairs, elle aperçut Hautefeuille qui glissait le long du rideau de bambous, ce fut d’anxiété que battit son cœur :

— « Mon Dieu ! » lui dit-elle, « tu n’aurais pas dû venir par une nuit pareille… Écoute… »

De larges gouttes de pluie commençaient de tomber sur le vitrage de la serre. Deux coups de tonnerre éclatèrent au lointain, formidables. Et voici que les gouttes de pluie se firent plus nombreuses, encore plus nombreuses, et ce fût autour des deux amants, sous le dôme de verre qui les protégeait, un roulement si continu, si sonore, qu’ils entendaient à peine leurs propres paroles.

— « Tu vois qu e notre bon génie nous a protégés, » dit le jeune homme en la serrant contrelui avec passion, « puisque je suis arrivé à temps… Et puis, je serais venu à travers cette tempête sans la sentir… J’ai été trop malheureux, ce soir ! Il me fallait ta présence pour me remettre, pour me faire du bien… »

—« Tu es tout ému en effet, » dit-elle ; — et dans l’ombre, lui palpant le visage de ses douces mains caressantes et inquiètes, elle ajouta, la voix altérée : « Tes joues sont brûlantes, tu as des larmes dans les yeux ! … Que se passe-t-il ? »

— « Tout à l’heure, » répondit Pierre, « quand je me serai réchauffé à te sentir là… Mon Dieu ! Comme je t’aime ! Comme je t’aime ! » répétait-il avec une exaltation où elle le sentit souffrir. Et plus tard, quand ils furent tous deux dans la solitude