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était donnés avec sa raison. Sa raison allait les lui arracher, un par un, au cours de la première semaine qui suivit le retour d’Olivier ; et cela, sans qu’elle le rencontrât une seule fois. Elle n’avait rien tant appréhendé que de se retrouver en face de lui. Pourtant, combien elle eût préféré une explication, même la plus violente, à cette absence totale de contact, — évidemment intentionnelle de la part du jeune homme, car, du point de vue de la politesse, elle n’était même pas correcte ! — Un seul moyen restait à Ely pour savoir la vérité : les conversations d’Hautefeuille… Quelle douleur dans sa douleur ! Quelle angoisse dans son angoisse ! Ce fut par Hautefeuille uniquement qu’elle entendit parler d’Olivier pendant cette interminable semaine. Ce fut par Hautefeuille qu’elle assista au drame moral qui se jouait dans le cœur de son ancien amant. Pierre trouvait tout naturel de communiquer à sa chère confidente les inquiétudes que lui donnait son ami, et il ne se doutait pas que les moindres détails revêtaient pour elle une signification terrible. Chacune de leurs causeries pendant ces mortels huit jours la fit descendre plus avant dans les profondeurs dangereuses des pensées d’Olivier ; et chacune annonça la possibilité d’abord, puis l’approche d’une catastrophe, probable enfin jusqu’à la certitude. Le premier coup fut porté à Ely au lendemain même de ce dîner à Monte-Carlo, quand elle revit Pierre, non plus dans l’intimité secrète du rendez-vous nocturne, mais à