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ce que c’est que la seule présence d’une femme entre deux hommes de cœur. Comme ils s’avilissent aussitôt ! … Non, je n’essaierai pas de faire parler Corancez… Et pourtant ! … » Étourdi, Corancez ? On ne pouvait pas se tromper d’une façon plus complète sur le fin Méridional : mais, par malheur, il était quelquefois trop fin, et, dans la circonstance, cet excès de subtilité devait lui faire commettre l’irréparable faute d’éclairer définitivement Olivier. Car tous les scrupules de celui-ci ne devaient pas tenir, hélas ! contre la tentation. Après ce qu’il s’était dit, et malgré ce qu’il sentait si nettement, il succomba au funeste désir de savoir, lorsque vers les dix heures il rencontra Corancez dans une des salles du Casino et, brusquement, il lui demanda :

— « Cette baronne Ely dont vous parliez dans le train, c’est bien la belle Mme de Carlsberg que j’ai connue à Rome ? … Celle qui a épousé un archiduc d’Autriche ? … »

— « Elle-même ! » répondit Corancez, qui se dit à part lui : « Tiens ! Hautefèuille n’a pas bavardé… Du Prat l’a connue à Rome ? Pourvu qu’il n’y ait pas de paquet de ce côté-là, et qu’il n’aille rien raconter à Pierre ! … » Et tout haut : « Pourquoi me demandes-tu cela ? »

— « Pour rien, » fit Olivier ; il ajouta après un silence : « Est-ce que mon brave Hautefèuille n’est pas un peu amoureux d’elle ? … »

— « Nous y voici ? » songea le Méridional ; « il le saura toujours tôt ou tard : mieux vaut que ce