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où vous savez, avec don Fortunato Lagumina, puisque le vieil abbé veut bien vous servir de chapelain pour ce jour-là. Vous rentrerez à Cannes sans que personne au monde puisse soupçonner que madame la marquise Bonaccorsi est devenue madame la vicomtesse de Corancez, excepté le vicomte, lequel trouvera bien le moyen, avant la fin de l’hiver, de faire accepter notre petite conjuration à ce brave Alvise… Vous m’écrirez à Gênes, ces quinze jours-ci, poste restante, et moi, je vous écrirai aux bons soins de notre chère miss Florence. »

— « Qui s’appelle aussi miss Prudence, » dit la jeune fille, « et qui trouve que vous causez trop longtemps pour des conspirateurs… Prenez garde aux pickpockets… » ajouta-t-elle vivement. C’était le signal convenu au cas où elle verrait s’approcher quelque personne de leur connaissance.

— « Bah ! ce pickpocket-là n’est guère dangereux ! » fit Corancez, après avoir regardé du côté ou miss Marsh avait tourné la pointe de son éventail. Il venait, dans le flot de la foule, de reconnaître le personnage qui attirait l’attention de la jeune Américaine. « C’est Pierre Hautefeuille, mon vieux camarade… Il ne nous a seulement pas aperçus… Voulez-vous voir, marquise, un amoureux désespéré de ne pas avoir rencontré celle qu’il aime ? … Et dire que je serais comme lui, si vous n’étiez pas là, » soupira-t-il plus bas, « à m’enivrer de votre beauté ! … » Et tout haut : « Regardez-le s’en aller dans l’autre coin, sur