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la réponse ; « Entrez, » jetée par cette voix si connue et qu’il avait épiée vainement, la veille au soir, sur ce même palier. A onze heures, Pierre n’était pas levé. Il s’en excusa gaiement :

— « Tu vois les habitudes méridionales… J’en serai bientôt au même point qu’un des Werekiew établi ici. L’autre jour, Corancez le trouve encore au lit à cinq heures de l’après-midi, « Vous savez, » dit Werekiew, « en Russie on n’est pas matinal… »

— Tu as bien raison de te soigner, » fit Olivier, « puisque tu as été souffrant… »

Il avait dit cette phrase par embarras et un peu au hasard. Comme il eût voulu que l’autre lui répondît en lui racontant sa sortie de la nuit dernière ! Non, une légère rougeur courut sur les joues d’Hautefeuille, et ce fut tout. C’était assez pour qu’Olivier n’eût aucun doute sur la réelle raison de cette sortie. Entre les deux alternatives, soudain imaginées quand il avait trouvé la chambre vide, sa pensée venait de choisir. L’évidence s’imposait à lui : Pierre avait une maîtresse et il était allé, cette nuit, à un rendez-vous avec cette maîtresse. Il voyait ce visage resté si jeune, se détacher sur l’oreiller avec des traces de voluptueuse lassitude partout empreintes : l’orbite des yeux était comme creusé, le teint disait cette fatigue momentanée du sang qui suit les heures de trop délicieux amour, sur les lèvres flottait un sourire d’une langueur tout ensemble heureuse et comme épuisée. Tandis qu’ils commençaient à causer de choses et d’autres, Olivier dévorait du