Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/294

Cette page n’a pas encore été corrigée

autre demi-confidence le lui avait fait comprendre : cette aventure avait eu pour théâtre Rome et l’héroïne en était une grande dame étrangère. Olivier, lui, avait oublié ces deux imprudentes phrases, mais Berthe, non. Elle ne s’était pas contentée de retenir ces aveux, de les mettre ensemble, de les compléter par ce travail de mosaïque ou les femmes excellent, piquant un détail ici, un autre détail là, dans les conversations les plus insignifiantes, pour les encastrer dans l’histoire qu’elles connaissent déjà. Elles arrivent ainsi à des inductions que n’égalent ni les plus habiles policiers, ni les savants les plus subtils. Olivier ne soupçonnait pas cet obscur travail dans la pensée de Berthe ; et encore moins, qu’elle eût découvert le prénom de cette maîtresse inconnue, si révélateur par sa singularité. Voici comment. Lorsqu’il s’était marié, il avait détruit bien des lettres, jeté au feu bien des fleurs séchées, bien des portraits. Puis, c’est l’histoire commune de ces autodafés intimes, la main lui avait tremblé devant quelques-unes de ces reliques, — reliques d’une jeunesse tourmentée, malheureuse, mais pourtant sa jeunesse. — Il avait ainsi gardé une photographie de Mme de Carlsberg, un profil perdu, si beau, si pur de lignes, si pareil au dessin d’une antique médaille, qu’il ne s’était pas décidé à le brûler. II avait glissé ce portrait dans une enveloppe. Le hasard d’une visite reçue à ce moment lui avait fait mettre cette enveloppe elle-même dans une poche d’un grand portefeuille où