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nuance de surprise non plus quand il commença :

— « J’ai laissé passer l’heure du déjeuner ; j’espère que vous ne m’avez pas attendu. Pour me faire pardonner, je vous ai apporté ces belles fleurs. »

— « Très belles, en effet, » répondit Berthe, qui approcha le bouquet de son visage pour le respirer. La brillante chair rouge des larges œillets, avec leur éclat si chaud, si vivant, faisait encore ressortir en tonalités froides son teint de blonde, comme nourri d’un sang mêlé de neige. Le bleu de ses prunelles avait quelque chose de métallique, de scintillant, où paraissait n’avoir germé aucune larme ; et pourtant, à la manière dont elle goûtait, dont elle buvait de ses minces narines frémissantes la senteur musquée et poivrée des fleurs offertes par son mari, une nervosité se reconnaissait, peut-être une émotion. Mais il n’y en avait aucune trace dans le son de voix qu’elle eut pour demander : — « Vous êtes sorti sans rien prendre ? … Ce n’est pas raisonnable… Est-ce que votre migraine a passé ? … Vous avez si mal dormi cette nuit ! … Je vous ai entendu marcher. »

— « J’ai eu de l’insomnie en effet, » répondit Olivier, « ce n’est rien. Le grand air de cette jolie matinée m’a remonté… Avez-vous vu Hautefeuille ? » ajouta-t-il.

— « Non, » dit-elle sèchement. « Où l’aurais-je vu ? Je ne suis pas sortie… »

— « Et il ne m’a pas fait demander ? »