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le petit salon du palais où elle le recevait autrefois. Tout à coup sa femme arrivait, conduisant par la main Pierre Hautefeuille. Celui-ci s’arrêtait, comme terrassé d’épouvante, et voulait crier : soudain la paralysie l’envahissait, immobilisant sa jambe, désorbitant son œil gauche, tirant de côté sa bouche d’où ne s’échappait aucun mot. L’anxiété de ce cauchemar avait été assez forte pour qu’elle continuât d’obséder Olivier une fois réveillé. Il était si mal à son aise qu’il voulut sortir avant même d’avoir revu sa femme. Il lui écrivit un petit mot on il lui disait qu’il avait un peu de migraine, qu’il craignait de lui gâter son repos du matin, qu’il rentrerait vers les neuf heures pour le premier déjeuner, que, s’il tardait, il la priait de ne pas l’attendre. Il espérait apporter à cette journée, qu’il sentait devoir être décisive, des nerfs remontés par le mouvement de la promenade. La marche forcée était son grand remède en de semblables crises. Elle lui aurait réussi sans doute si, après avoir cheminé longuement et droit devant lui, il ne s’était retrouvé au retour, vers les dix heures, à l’entrée de la rue d’Antibes, ce coin le plus vivant et le plus élégant de Cannes. Le long couloir de cette rue était à cet instant plein d’ombre fraîche, et comme égayé, comme vivifié par une de ces brises marines qui mettent dans l’air brûlant de ces matins provençaux une fièvre alerte de vivre. Les roues des voitures roulaient plus lestement, le sabot des chevaux sonnait plus prestement sur le pavé clair. Des jeunes gens