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pour se méprendre une seconde à ces traces d’une influence féminine. Elles venaient se joindre au reste : à cette liaison inexplicable de Pierre avec Corancez, à son goût pour le monde cosmopolite, à la soudaine frivolité de ses habitudes, à sa visible sympathie pour celles, entre les choses de Cannes, qui auraient dû le choquer davantage… Comment ne pas mettre tous ces faits ensemble et comment ne pas en tirer cette conclusion que Pierre était amoureux ? Mais de qui ? La vivacité avec laquelle il avait attaqué l’archiduc prouvait-elle qu’il aimât Mme de Carlsberg ? N’avait-il pas défendu avec la même vivacité Mme de Chésy, célébré la beauté de Mme Bonaccorsi, la grâce de miss Marsh ? … Tandis qu’Olivier étudiait son ami avec cette tension suraiguë et presque machinale de ses nerfs, de son imagination et de sa logique, ces trois noms lui revenaient tour à tour. Combien il eût voulu qu’un autre indice parmi ces indices, un seul, mais irréfutable, lui fût accordé pour chasser, pour annihiler l’autre hypothèse, celle qu’il avait entrevue une seconde, assez pour en être obsédé déjà, comme du plus funeste, du plus affreux cauchemar !

Vers les onze heures, Pierre se retira sous le prétexte de laisser reposer les voyageurs. C’est alors qu’ayant lui-même pris congé de sa femme, Olivier sentit qu’il lui était physiquement impossible de supporter cette incertitude. Souvent, autrefois, lorsque Pierre et lui se trouvaient ensemble à