Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/260

Cette page n’a pas encore été corrigée

Si tu savais comme je suis heureux de te revoir ! »

— « Cher Olivier ! » dit Pierre que ce cri, poussé avec un accent simple et profond, avait ému. Ils se prirent les mains et ils se regardèrent, comme sur le quai de la gare, sans prononcer un mot de plus. Dans les Fioretti de saint François, il est raconté qu’un jour saint Louis, déguisé en pèlerin, vint frapper au couvent de Sainte-Marie-des-Anges. Un autre saint, un frère du nom d’Egidio, lui ouvrit et le reconnut. Le roi et le moine se mirent à genoux l’un devant l’autre, et ils se séparèrent, sans s’être parlé : « J’ai lu dans son cœur, » dit Egidio, « et il a lu dans le mien. » Cette belle légende est le symbole des rencontres entre amis tels qu’étaient les deux jeunes gens. Quand deux hommes qui se connaissent et qui s’aiment depuis l’enfance, comme s’aimaient Pierre et Olivier, se retrouvent face à face, ils n’ont pas besoin non plus d’une protestation, pas besoin d’une assurance nouvelle de leur réciproque fidélité. L’estime, le respect, la confiance, le dévouement, ces nobles vertus des affections mâles ne s’expriment pas avec des paroles. Elles brillent, elles réchauffent par leur seule présence, comme une claire et pure flamme. Une fois de plus, les deux amis sentirent combien ils pouvaient compter l’un sur l’autre, et à quelle profondeur ils étaient frères.

— « Et tu avais pensé à faire mettre des fleurs partout ! » dit Olivier en passant son bras sous le bras de son ami. « Je vais donner l’ordre qu’on les