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très fêtées, lui avaient révélé le monde cosmopolite, et, avec son flair supérieur, il en avait deviné les ressources. Il avait donc résolu d’épouser une étrangère, qui lui créât, par sa fortune et par ses alliances, une situation Européenne. Il s’était vu passant l’hiver sur la Rivière, l’été dans les Alpes, la saison de la chasse en Ecosse, l’automne dans les terres de sa femme, — et Paris, comme un régal de quelques semaines, au printemps. Ce plan d’existence supposait que cette femme ne fût pas une toute jeune fille. Corancez avait décidé qu’elle serait veuve, de son âge, un peu son aînée au besoin, mais belle encore dans son automne. Comme il comptait, pour réussir dans sa campagne, sur sa fière tournure de joli garçon, il fallait que la corvée conjugale ne fût pas trop sévère. Il en était là de ses projets, quand le hasard l’avait mis en face de Mme Bonaccorsi. Une marquise Italienne, apparentée par sa naissance à la plus haute aristocratie de Venise, veuve d’un grand seigneur et riche par ce veuvage de deux cent mille livres de rente, n’ayant jamais fait parler d’elle, pieuse jusqu’à la dévotion, ce qui l’amènerait, une fois amoureuse, à vouloir tout naturellement le mariage, avec cela, entraînée par l’influence de son frère, anglomane forcené, aux habitudes de la vie cosmopolite, — c’était l’idéal du prudent Corancez réalisé comme par enchantement ! Mais toutes les pommes des Hespérides ont leur dragon, et le monstre mythologique était précisément représenté, pour la circonstance, par ce