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cette heure, pour filer sur Monte-Carlo ; et, pendant les deux minutes que dura cette petite opération, les commentaires échangés sur son compte entre les deux femmes et leurs cavaliers prouvaient une fois de plus que la mesquinerie de la malignité jalouse n’est pas l’apanage du sexe faible :

— « Tiens, Hautefeuille… » avait dit Mme de Chésy. « Comme sa sœur serait heureuse de le voir si changé ! Savez-vous qu’il est vraiment très joli garçon ? … »

— « Très joli garçon, » avait répété la Vénitienne, « et il a l’air de ne pas s’en douter, avec cela. C’est si charmant ! … »

— « Vous ne lui laisserez pas longtemps cette qualité, » fit Brion : « Hautefeuille par-ci, Hautefeuille par-là… Chez vous, » et il s’adressait à Yvonne, « chez la marquise, chez Mme de Carlsberg, on n’entend parler que de lui… Ce n’était qu’un bon petit garçon quelconque, inoffensif et insignifiant comme tant d’autres. Vous allez en faire un affreux poseur… »

— « Sans compter qu’il aura bientôt fait de compromettre une de vous, si ça continue ainsi, » dit Navagero en regardant sa sœur. Depuis le retour de Gênes, le rusé personnage commençait de s’apercevoir qu’il se faisait un travail insolite d’esprit chez Andriana, et il en cherchait le motif, mais, comme on voit, du mauvais côté.

— « Ah ! vous en êtes là tous les deux ? … » reprit Yvonne en riant. « Eh bien ! pour vous punir,