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Et à ne pas y croire non plus, la naïveté de l’abbé, cet admirateur passionné du comte Camille, débitant aux fiancés, avant de les unir, un petit discours en Français, — il avait tenu, malgré ses rancunes politiques, à faire cette gracieuseté à l’étranger qu’il mariait à sa chère marquise :

— « Noble dame, noble seigneur, je ne vous dirai que peu de mots. Oiseau qui ne chante pas ne donne pas d’augure. Vous allez, noble dame, épouser devant Dieu ce noble seigneur. Noble seigneur, vous allez épouser devant Dieu cette noble dame. Il me semble qu’en consacrant l’union d’un grand nom Vénitien et d’un grand nom Français, j’appelle une fois de plus la faveur de Celui qui peut mut sur l’accord de ces deux pays qui devraient n’en faire qu’un par le cœur : notre chère Italie, noble dame, votre belle France, noble seigneur… L’Italie, elle est semblable à cette figure qu’un maître de génie a peinte sur le mur de cette chapelle. C’est d’elle que sont sortis, comme d’une vigne féconde, ces deux jeunes rameaux de la race Latine, la fière Espagne et la brillante France. La même sève vigoureuse soutient ces trois nations. Puissent-elles être unies un jour, comme une mère est unie avec ses deux filles, comme elles sont déjà unies par la parenté des langues, par la communauté de la religion, unies comme vous allez l’être, noble dame et noble seigneur, d’un lien d’amour que rien ne saura jamais briser. Ainsi soit-il. »