Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/198

Cette page n’a pas encore été corrigée

petite femme d’être sa maîtresse payée ? Car c’est bien cela que vous voulez dire, pour mettre les points sur les i… »

— « Exactement, » fit l’Américain. « Eh bien ! je voudrais que vous lui dissiez, pas ce soir, pas demain, mais au moment où elle recevra le coup sur la tête, et quand elle sera comme folle : « Vous avez besoin de quelqu’un pour vous tirer d’embarras ? Adressez-vous à Dickie Marsh, de Marionville… » Je le lui dirais moi-même ; mais elle croirait que je suis, comme Brion, amoureux d’elle et que je lui offre de l’argent pour ça… Ces Françaises ont bien de l’esprit. Il y a pour tant une chose qu’elles ne comprendront jamais : c’est qu’on ne pense pas avec elles à ce que cette pauvre vicomtesse Yvonne appelle en riant « le petit crime » . C’est la faute des hommes de ce pays, pourri jusqu’aux moelles, comme toute l’Europe, d’ailleurs. Si c’est vous qui lui parlez, il y aura un tiers entre elle et moi. Cela suffira pour lui prouver que j’ai un autre motif… À vous qui savez comme elle lui ressemble, je n’ai pas besoin de dire lequel. »

Il se tut. Cette ressemblance, follement attendrissante pour lui, d’Yvonne de Chésy avec sa fille morte, était connue de peu de personnes. Mme de Carlsberg était du nombre. Elle ne pouvait donc pas se tromper sur le principe secret de cet étrange intérêt et de cette plus étrange proposition. Il y avait, à côté de sa personnalité d’homme d’affaires, dans ce nabab de l’Ohio à imaginations colossales, des touches de romantisme, presque de fantasmagorie à