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devant lui, jour par jour, heure par heure ; un irrésistible déplacement de perspective intime lui montra dans tous les naïfs, dans tous les innocents bonheurs de sa silencieuse idylle autant d’irréparables fautes, couronnées par cette faute dernière : l’achat de la boîte d’or, en pleine salle de jeu et sous quels regards ! … Il se revoyait à sa première rencontre avec Mme de Carlsberg dans le salon de la villa Chésy : la beauté originale de la jeune femme et son charme d’étrangère l’avaient saisi tout de suite, il s’était laissé aller à la contempler indéfiniment. Et il n’avait pas eu l’idée qu’il attirait ainsi l’attention et les commentaires ! … Il se voyait se rendant chez elle une première fois, y retournant, cherchant les moindres occasions de la rencontrer, de respirer dans son air, de lui parler. L’indiscrétion de cette assiduité avait-elle pu passer inaperçue, et sa présence dans des endroits où il n’allait jamais auparavant, et dont il était devenu un habitué ? … Il se revoyait sur les pelouses du Golf-Club, le matin, et comme la baronne Ely lui semblait belle dans la singularité piquante de sa toilette rouge et blanche, aux vives couleurs du cercle. Toutes les petites excentricités de mise qui, chez une autre, l’auraient choqué, le ravissaient chez elle ! … Il se revoyait au bal, debout dans un angle de salon, attendant qu’elle entrât, qu’elle apportât avec elle cet enchantement qu’elle secouait pour lui de chaque pli de sa robe… Il se revoyait chez le confiseur en vogue, sur la Croisette, s’approchant d’elle, qui,