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avouez vous-même que votre espérance a été déçue. »

— « Les voies de Dieu sont impénétrables, » répondit l’abbé Taconet, dans le regard duquel passa un muet reproche qui fit rougir Claude. Il avait cédé à un vilain mouvement, dont il eut honte, en cherchant à toucher l’oncle de René à une place douloureuse, parce que la discussion tournait contre lui. Les deux hommes dépassèrent sans parler le coin de la rue de Vaugirard et de la rue Cassette, et ils arrivèrent devant la porte de l’école Saint-André au moment où une division d’enfants y rentrait, venant du lycée. C’étaient des garçons de quinze à seize ans, au nombre de quarante environ, tous bien tenus, tous l’air heureux, avec cette physionomie franche et pure de l’adolescence que de précoces désordres ne flétrissent pas. Leur salut, lorsqu’ils passèrent devant le directeur, trahissait une telle déférence, une telle affection personnelle, que l’influence profonde de ce rare éducateur aurait été reconnaissable à ce seul signe ; mais Claude savait, par expérience, avec quelle minutie l’abbé Taconet s’acquittait de sa noble tâche ; il savait que tous ces enfants étaient suivis, par ces yeux vigilants et doux, de journées en journées, presque d’heure en heure, et, prenant la main du prêtre avec une soudaine émotion, il lui dit :