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Suzanne, qu’elle ne devait pas connaître, même de nom ? Colette était la maîtresse de Claude. Et madame Moraines retrouvait encore ici cet homme de qui elle s’était défiée dès le premier jour. Pour que Colette eût parlé d’elle à René, il fallait que Claude eût lui-même parlé d’elle à Colette. Ici les idées de la jeune femme se confondaient. Larcher ne l’avait jamais vue avec René. Ce dernier, elle le savait par son propre témoignage, dont elle ne doutait pas, n’avait jamais fait de confidence à son ami.

— « Je suis sur une mauvaise piste, » conclut Suzanne. Elle eut beau se raisonner, elle n’arriva pas à se convaincre que son amant fût attristé à cause de ce prétendu article de journal. Un danger menaçait sa chère intrigue. Elle le sentait. Cette sensation s’aggrava encore de ce que lui dit son mari, au lendemain même du jour où elle avait constaté le trouble inexplicable de René. Sept heures allaient sonner. Suzanne se tenait seule à songer dans le petit salon qui l’avait vue envelopper le jeune homme de ses premiers fils, aussi ténus, aussi souples que ceux dont l’araignée enserre la mouche égarée dans sa toile. Il était venu, à ses cinq heures, plus de personnes que de coutume, et Desforges entre autres, qui sortait seulement. Paul Moraines parut, bruyant à son ordinaire, la gaieté peinte