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DISCOURS DE RÉCEPTION

qu’une occasion d’assouvir les plus brutaux appétits. Cette impartialité donne à ses réquisitoires, quand il les dresse, une force terrible. C’est avec le même respect scrupuleux du fait, et sans une nuance de déclamation, qu’il aborde les fondations pieuses. Il sait qui a offert tel ou tel lit dans tel hôpital, le nom de l’humble prêtre ou de la pauvre sœur qui conçut telle œuvre, de la femme du monde dont telle donation représente une pieuse, une touchante pensée. Il sait l’histoire, les fautes, les mérites, toutes les épreuves de tel malade célèbre. Vous sentez à chaque page que si l’auteur s’est trompé, c’est sur un point de détail, par l’infirmité inhérente à la nature humaine, et l’admirable probité intellectuelle partout empreinte dans ces pages donne aux conclusions générales qui en émanent une autorité qu’aucune théorie abstraite n’égalerait.

Ces conclusions tiennent tout entières dans le chapitre qui termine le sixième volume — et qui se trouve placé au centre même du monument, entre la portion économique et les portions historiques. C’est une longue esquisse de psychologie sociale que l’auteur a intitulée : le Parisien. Ayant étudié l’organisme entier de l’énorme ville, il essaie d’analyser la valeur du produit spécial que la vaste usine élabore, ce personnage si souvent défini et toujours indéfinissable, si capricieux et si caractérisé, ce Parisien dont le vieux l’Estoile disait déjà : « Qu’il est plus volage et inconstant que les girouettes de ses clochers. » Mais quoi ! la nature sociale ne s’est-elle pas jouée à réunir en lui tous les contrastes ? Ces contrastes, Maxime