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DISCOURS DE RÉCEPTION

l’hommage que sa nature, éprise de toutes les bienfaisances, eût préféré, si j’ai montré quelle haute valeur d’enseignement dégage le spectacle de cette existence intellectuelle, commencée sur une telle anxiété, achevée sur une lumineuse pacification. Et de cet enseignement-là n’avons-nous pas tous besoin ? Ne s’applique-t-il pas à tous les hommes ce mot saisissant d’un essayiste étranger sur les poètes de génie, que « leur plus grande œuvre est de sculpter, pour eux-mêmes, dans le dur marbre de la vie, la blanche statue de la sérénité ?… »

Je disais tout à l’heure. Messieurs, que M. Maxime Du Camp fut d’abord un romantique. Il le devint, dès son adolescence, sur les bancs du lycée Louis-le-Grand, où il lisait en cachette, à l’abri de ses dictionnaires, les plus récents volumes des poètes contemporains, comme devait le faire, bien des années plus tard, à l’ombre des mêmes murs vénérables, un autre écolier qui lui succède parmi vous comme il a peut-être succédé sur un des bancs d’une des classes du vieux collège. On me dit que les cours de ce collège ont aujourd’hui plus de soleil, que les arbres y sont plus verts, que de nouveaux bâtiments y ont remplacé les anciens. De mon temps, rien n’avait changé depuis 1835, c’est-à-dire depuis l’époque où M. Maxime Du Camp y était élevé. À travers les pages de ses Souvenirs, j’ai pu me le figurer trop exactement, dans ce décor dont j’ai connu les mélancolies, s’en allant en pensée bien loin de la classe, bien connu de l’étude. Il lisait les Contes d’Espagne et d’Italie, les Orientales, Jocelyn, les pre-