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J’aurais été très heureux de témoigner de vive voix à ceux qui seront réunis ce soir autour de vous, ma gratitude pour la marque de sympathie que leur invitation m’avait apportée. Et je n’aurais pas manqué de leur dire bien haut, que les malheureux événements qui semblent, en ce moment, faire reculer la cause du droit et de la paix, ne doivent en rien décourager leurs espérances et diminuer leurs efforts.

Ce qu’ils ont entrepris n’est rien moins qu’une révolution morale universelle ; et les révolutions de cet ordre sont semblables à celles de la nature : elles s’accomplissent par des mouvements dont la lenteur apparente étonne d’abord, où les arrêts et les réactions sont inévitables, et dont pourtant, lorsqu’un temps suffisant s’est écoulé, on mesure avec admiration la force invincible et les effets tout-puissants.

Qu’une grande nation qui semblait marcher aux premiers rangs dans l’évolution par où les rivalités du commerce et de l’industrie se substituent peu à peu aux luttes par le fer et par le feu, se soit jetée dans une guerre, où la vaillance de ses adversaires, leur patriotisme indomptable, leur foi dans le droit, balancent toutes les forces d’un puissant empire, l’obligent à l’épuisement de ses ressources et l’amènent à envisager comme probable la transformation de toute son organisation militaire et peut-être politique ; ces faits, qui sont de nature à causer une profonde tristesse aux amis de l’humanité, doivent être observés par eux dans un esprit scientifique, comme une manifestation des réalités douloureuses dont ils doivent tenir compte dans leur action, et dont il importe de calculer