Page:Bourgeois - Pour la Société des Nations.djvu/255

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

séculaires, quelque rupture se fait dans les couches profondes du sol, l’équilibre ne peut se rétablir à la surface qu’à la suite d’un tremblement de terre et du bouleversement de toute une région. Ainsi entre les races slaves et la puissance islamique, puisque aucune voie de droit n’est encore ouverte pour régler de semblables conflits, a fini par se produire l’effroyable brisure. Depuis un siècle, l’Europe en subissait la crainte, et de génération en génération, les diplomates se transmettaient avec une anxiété croissante le problème redoutable qu’on appelait la question d’Orient.

Alors a éclaté le conflit sanglant. Mais pendant la lutte, au milieu de difficultés qui se renouvelaient presque chaque jour, il semblait que la nécessité supérieure de la paix n’était perdue de vue par personne. La tendance de l’opinion était si certaine qu’au milieu des effrayantes hécatombes des champs de bataille balkaniques, la seule idée qu’on osât ouvertement exprimer était celle-ci : éviter que le conflit ne s’étende à d’autres puissances, circonscrire le terrain de la lutte, empêcher l’extension de l’œuvre de mort. Quelles que fussent leurs arrière-pensées, les grandes puissances sentaient au-dessus d’elles une puissance plus grande encore, une force « impondérable » qui les disciplinait dans une action commune de prudence, de sagesse, de modération. Et en ce qui touche les États balkaniques eux-