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Mais était-il possible d’espérer que l’empire du droit était définitivement fondé et que toute guerre était désormais impossible ? Qui donc, parmi les hommes d’expérience et de raison, aurait pu croire qu’une révolution, qui ne tend à rien de moins qu’à renouveler la face du monde, s’accomplirait en quelques années ? Pouvait-on oublier qu’en 1907 la cause de l’arbitrage obligatoire n’avait pas réuni l’unanimité des voix des États ?

Enfin la crise de 1912 n’offrait-elle pas des caractères particulièrement graves qui rendaient, hélas ! la lutte à peu près inévitable ?

La guerre des Balkans n’a pas été seulement une guerre d’État à État, c’est vraiment un conflit ethnique où la longue servitude de populations européennes, pénétrées de la civilisation occidentale, aptes à égaler les autres nations du monde latin et germain, avait accumulé des ferments de révolte.

C’est entre peuples également libres, également souverains, que l’établissement de rapports juridiques peut normalement s’établir. Là où subsiste une servitude, une oppression, comment parler aux opprimés la langue du droit et comment la leur faire entendre, lorsqu’à leurs yeux le premier des droits, celui de disposer d’eux-mêmes, leur est d’abord refusé ?

Le drame s’est engagé ici comme entre deux forces de la nature. C’est l’histoire des révolutions de la terre ; lorsque sous des pressions