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Il serait encore facile de dire simplement que toute chose humaine est imparfaite et que l’on ne peut pas espérer qu’en quelques années sera accomplie cette révolution, plus grande que toutes les révolutions qui ont jusqu’à présent secoué le monde, qui substituera le règne de l’ordre et de la justice à celui de la force et de la violence. Mais, en prenant, dans toute leur tristesse, les faits qui ont ensanglanté l’Orient de l’Europe et permis aux sceptiques, aux indifférents, aux égoïstes de dénoncer une fois de plus la faillite de la conscience humaine, n’est-il pas nécessaire de mettre en regard l’émotion douloureuse que ces faits ont soulevée au contraire dans l’opinion du monde entier, et l’action énergique que cette opinion, expression d’un état nouveau de la conscience universelle, n’a cessé d’exercer, dans le sens de la justice et de la paix, sur la conduite des Gouvernements intéressés, directement ou indirectement, dans le conflit ?

Je me garderai bien ici de faire la moindre allusion politique, mais ce n’est pas faire de la politique, c’est faire simplement de la psychologie collective que de constater que c’est bien l’opinion européenne, l’opinion des hommes de travail et d’affaires, celle de l’ensemble de la masse laborieuse, qui a empêché la généralisation de la guerre. Je ne veux pas savoir s’il y a eu des désirs secrets, des espérances inavouées. Rien de tel n’a pu prendre corps,