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bats intérieurs de plus en {dus violents le poussaient à se tuer. Son fusil lui faisait peur ; il montrait plus tard la poutre à laquelle il avait failli se pendre. Il fut tiré soudain de cette mortelle angoisse, d’une façon presque miraculeuse. Par une belle journée de printemps, il était seul au milieu des bois ; il prêtait l’oreille aux bruits de la forêt, et Dieu se révèle à lui dans cet épanouissement universel : « Qu’est-ce que je cherche donc encore s’écriait une voix en moi ? Le voilà donc, il est ce sans quoi on ne peut vivre. Dieu, c’est la vie... J’étais délivré du suicide. Je revenais à la foi dans cette volonté qui exige quelque chose de moi, à cette croyance que le but essentiel de la vie, c’est d’être meilleur, de vivre on accord avec la volonté de Dieu », devenu sensible au cœur.

Eug.-Melchior de Vogue a interprété la conversion de Tolstoï comme une tendance instinctive propre aux Russes, l'otchaianie, l’état de désespoir, qui les porte Hux résolutions extrêmes et subites, soit au sacrifice, soit à la férocité. Rarement un Russe, Tolstoï moins que tout autre, goûterait le chapitre de Montaigne sur la Modération. William James, dans ses Variétés d’expérience religieuse, rapproche le cas psychologique que présente Tolstoï de celui de Bunyan, de ces âmes douloureuses longtemps divisées avec elles-mêmes et qui unissent par atteindre à l’unité. Ce passage du trouble à l’harmonie se re-