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spirituels, ils ont élargi et appronfondi le sentiment, le besoin de la liberté ; il n’est pas de littérature plus révolutionnaire que la littérature russe. Tolstoï est le Rousseau slave. Ainsi que Rousseau, il a fait vibrer les sympathies les plus généreuses pour les classes opprimées, il les a mises sur le pinacle. 11 n’a cessé d’être le fervent disciple de Rousseau, père de l’anarchisme et du socialisme, en même temps que prophète religieux : « J’ai lu tout Rousseau, écrivait-il, et à quinze ans, je portais sa médaille sur ma poitrine : Rousseau et l’Évangile ont été les deux grandes et bienfaisantes influences de ma vie... Nombre de ses pages me sont si familières que je croirais les avoir écrites moi-même. » A l’opposé de Rousseau, Tolstoï est un privilégié qui a honte de ses privilèges, il se fera peuple et servira la cause du peuple.

Son histoire est celle d’un esprit très excitable en des temps de grande excitation. Né en 1828, mort en 1910, il a passé sa jeunesse sous le règne absolutiste de Nicolas Ier, il a combattu à Sébastopol, il a été témoin de l’émancipation de serfs, de l’assassinat d’Alexandre II et du triomphe de la réaction théocratique et policière, de la croissance des attentats terroristes, de la guerre russo-japonaise et du premier soulèvement populaire qui annonçait le déclin d’un régime analogue à celui de Byzance. Ces événements faisaient sur l’esprit de Tolstoï une impression profonde, bien qu’il se soit toujours