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dansant et gesticulant autour de tables d’offrandes, jusqu’à épuisement complet. Tantôt, au moyen de ses baguettes, de ses formules magiques et de prières spéciales, elle ramène l’esprit gardien du logis mis en fuite par la mort ou la maladie.

Voici d’ailleurs comment elle s’y prend pour faire réintégrer le logis à l’esprit tutélaire. Elle attache une bande de papier autour d’une baguette de chêne, qu’elle tient en l’air, et elle sort à la recherche du fuyard. Quelquefois, l’esprit se tient tout près de la maison, d’autres fois il en est très loin. Mais la sorcière reconnaît sa présence parce que, lorsqu’elle passe près de lui, il secoue si violemment sa baguette que plusieurs hommes ne peuvent la tenir. La moutang le rapporte alors à la maison où il est reçu avec les plus sympathiques démonstrations. Le papier qui entourait la baguette de chêne est plié avec quelques menues monnaies, trempé dans du vin, puis lancé contre une poutre de la maison, où il se colle. On jette ensuite contre ce papier une poignée de riz dont quelques grains adhèrent ; c’est en ce point que résidera désormais l’esprit de la maison, jusqu’à ce qu’un nouvel événement vienne provoquer sa fuite.

Je pourrais multiplier à l’infini les scènes auxquelles donnent lieu les séances de sorcellerie, car sur le chapitre de la superstition, il y a un livre à écrire. Je ne saurais trop le répéter, cet état d’esprit est la plaie de la Corée. De la plus humble servante jusqu’aux dames du palais, tous les sujets de l’empire de la « Fraîcheur matinale » sont les jouets et les victimes de la redoutable et rusée engeance de ces magiciens. Que peut-on espérer d’un pays où règnent encore des croyances aussi barbares ?