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source — là-bas — sous un grand arbre, provenant du lit sablonneux de la rivière voisine et dont l’eau limpide et fraîche, — chose rare dans le pays — attire, en été, la plupart des Européens. Les Coréens ne dédaignent pas d’y venir aussi en pique-nique, mais les inclinaisons inquiétantes qu’ils prennent avec la verticale, en s’en allant, prouvent qu’ils mettent du vin[1] dans leur eau.

Des vols de faisans indiquent que ces superbes oiseaux apprécient la quiétude du lieu vénéré où ils établissent en grand nombre leurs quartiers. Le fusil meurtrier ne viendra pas les y relancer, étant donné que la chasse est interdite dans tout le terrain réservé au tombeau de la reine.

Mêlé à la foule, je regagne à pied le quartier des Légations, intéressé par le mouvement des grandes rues de cette ville de deux cent mille âmes, sillonnées par le mélange le plus hétéroclite qui se puisse imaginer : antiques chars à deux roues en bois, cerclées de fer, cahotantes et grinçantes, tirés par de paisibles bœufs ; des « illiokos » ferraillent et bondissent sur les pierres ou les dalles des ponceaux, obligeant les clients de ces minuscules équipages à se servir des bras et des jambes pour éviter les plus fortes secousses ; de longues files de petits chevaux rageurs trottinent les uns derrière les autres en se mordant et se battant, s’ils ne sont pas tout à fait écrasés sous leur charge. Au milieu de cet encombrement passent les tramways électriques ; les chaises à porteurs des ministres, des personnages de la ville, des élégantes qui s’en vont en visite ; des compagnies de soldats coréens, un peu en déban-

  1. Le vin coréen est un mauvais alcool de riz.