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Tchong-no, le centre de la ville, et le pont de croisement pour la route du sud. La baraque du contrôleur a pour vis-à-vis la « grosse cloche » en cage, un des personnages importants du pays dont je parlerai plus tard.

C’est autour de Tchong-no que sont installées les plus importantes corporations de la ville, dans des bâtiments appartenant au gouvernement. Dans ces locaux à étages sont répartis — par éventaires distincts — tous les corps de métiers et de vendeurs. Tchong-no est le rendez-vous des mécontents aux jours de manifestation, et le matin — comme en ce moment — ce grand espace est envahi de bœufs chargés de branches de pin, de bois de chauffage, de marchands de légumes, de fruits, de bimbeloterie, de chapeaux de crin et de bambou, aussi extravagants qu’incommodes, ces fameux chapeaux qui sont une des curiosités du pays. Tout cela constitue un grouillement plein de vie et de pittoresque baroque, d’une esthétique douteuse, mais à laquelle on se fait. On arrive même assez vite à reconnaître dans la foule les élégants, les aristocrates, rien qu’aux reflets et au moirage de leur chapeau : ce qui prouve — une fois de plus — qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, pas même les fameux « tout reflets », des élégants de Paris. Les Coréens payent même plus cher que ces derniers le chic de leur coiffure. L’instabilité de ce couvre-chef trop léger et haut perché explique, en partie, la démarche lente, mesurée des « yang-banes »[1] que rien ne saurait émouvoir quand ils vont à pas comptés, les pieds en dehors, à travers les rues, suivis par un

  1. Aristocrates.