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voûtée, et mon premier soin est d’enfoncer jusqu’à la cheville, dans la boue gluante de ce passage très fréquenté, piétiné du matin au soir par une infinité d’animaux et de gens. Je ne suis pas le seul à souffrir du mauvais état de la voie. Un Coréen tout de blanc vêtu, coiffé de son « gracieux » chapeau noir, s’avance prudemment, en équilibre sur des sabots à chevalets (ils ressemblent aux ghettas japonais). Mais un de ses pieds s’enfonce ; en le retirant, le sabot reste englué, et mon homme va s’étaler tout de son long dans la boue. Adieu le vêtement blanc qui ressort de là noir et puant, et de cette masse qui s’agite, qui s’ébroue, à la recherche du sabot disparu, sort ce cri douloureux : « Ai-gou ! ai-gou ! » auquel le voyageur s’habitue vite en Corée, comme à la boue et à une infinité d’autres caractéristiques du pays.

En ce moment, ce cri a la signification de : « Ah ! mon Dieu ! quelle guigne ! c’est désolant ! Finie la petite fête projetée pour ce soir ! » Que sais-je encore ?…

Sous cette porte, il y a réellement une étude de mœurs à faire, car voici encore d’autres sujets intéressants : c’est un coolie, traîneur d’illioko, trottant depuis le matin, qui revient couvert de boue jusqu’au ventre ; c’est un factionnaire, baïonnette au canon, qui piétine devant sa guérite, en criant à tue-tête des commandements de l’exercice du matin : « Hane ! toul ! sieh ! » (un, deux, trois), pour se réchauffer.

Mais arrive un bœuf chargé de branches de pin et qui obstrue à lui seul toute la porte, juste au moment où le « tram électrique » sonne pour se faire livrer passage. Une pauvre femme engagée