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décortiqueurs, ouvriers de la manufacture de tabacs installée depuis deux ans par des Grecs et aujourd’hui subventionnée par une maison américaine. Comme les Turcs, les portefaix coréens enlèvent des charges énormes sur leur dos, sans fatigue apparente. Ils sont, au surplus, très doux (comme les forts), et il suffit pour en être convaincu de voir comment, dans le port, les font marcher les petits Japonais remuants et tapageurs.

Les jonques avec leurs formes originales, ventrues, leur mâture penchée sur laquelle glissent des voiles faites de nattes ou de vieilles toiles, cent fois rapiécées, s’alignent, se pressent dans le port intérieur, et on se demande comment ces marins affrontent la mer houleuse avec cet outillage primitif, ces amarres faites de cordes de paille, ce treuil en bois destiné à relever l’ancre également en bois.

Pourquoi, au contact et à l’exemple des bateaux japonais, mieux conditionnés, et des procédés modernes qu’ils ont tous les jours sous les yeux dans les ports, les Coréens, qui vivent de la mer, n’ont-ils pas modifié leur antique mécanisme de travail ? Ce n’est pas parce qu’ils se rappellent avec fierté qu’un de leurs ancêtres a inventé le « bateau-tortue », cuirassé en « bois » qui permit autrefois, nous rapporte l’histoire, à ce fameux amiral d’anéantir dans l’archipel la flotte japonaise ; mais c’est parce qu’ils sont trop pauvres pour adopter les amarres en chanvre ou en acier, et parce que chez le Coréen comme chez le Chinois se montre l’indifférence la plus complète pour tout ce qui est œuvre d’Européen. De plus, le temps n’est absolument rien pour lui et, pourvu que son bateau se déplace un peu sur