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sane vivait un serpent monstrueux qui inspirait autant de terreur que de respect aux habitants. Suivant la tradition, la mort de ce serpent devait entraîner les plus grandes calamités pour l’île. Mais cet animal fantastique exigeait que chaque année on lui donnât en sacrifice une jeune vierge, parmi les plus jolies filles du pays, et chaque année un vote avait lieu pour désigner le père qui devait sacrifier son enfant.

Un jour le sort tomba sur un homme moins superstitieux ou dont le cœur était plus tendre, car, sans faire part de son projet périlleux à ses voisins, il résolut de sauver son enfant. À l’heure convenue, il l’emmena à l’endroit désigné dans la montagne. Il était armé d’un grand sabre et se cacha à l’entrée de la grotte d’où allait sortir l’odieux reptile.

Lorsque celui-ci s’élança sur la jeune fille, évanouie de frayeur, il bondit sur le monstre, le découpa en morceaux qu’il emporta à sa maison avec l’aide de son enfant. Puis il ordonna à celle-ci de se cacher pendant un certain temps, pour éviter d’éveiller les soupçons des voisins, et mit les restes du serpent dans une jarre recouverte avec une lourde dalle.

Une épidémie et une famine épouvantables sévirent bientôt sur Tchai-tchou, et les habitants, soupçonnant la supercherie du père, envahirent sa maison, y trouvèrent la fille, ainsi que les morceaux du terrible serpent, dans la jarre. Ils la vidèrent immédiatement sur le sol, mais le serpent ne se reforma pas, et chaque section produisit, au contraire, une infinité de reptiles qui s’enfuirent aussitôt et depuis peuplent tous les recoins de l’île.