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à voir. Enfin, à six heures, nous pouvons espérer traverser. La pluie a cessé, mais pas le vent, et le batelier est anxieux, à cause du grand cheval ; le mapou me fait mille recommandations au cas où la bête, ayant peur, ferait chavirer l’embarcation. Il me dit, d’ailleurs, le brave garçon, de n’avoir nulle crainte ; qu’il a déjà sauvé plusieurs personnes à Takou en 1900 !

Mais soit que l’embarcation lui paraisse trop petite, soit fatigue ou peur, ma monture se refuse à entrer dans la barque, et après mille efforts, et de terribles ruades, je renonce à ce retour par le Houan-hai-to, prévoyant à chaque rivière une semblable aventure. Mon mapou a été jeté à l’eau, il est mouillé ; je décide donc qu’il restera là à la garde du cheval et que je ferai la traversée seul pour aller à Tong-tchaine chercher ma caravane.

À la nuit tombante, je suis sur l’autre rive ; devant moi, au hasard, je me guide, me trompant deux fois de sentier ; cognant aux rares cahutes que je rencontre pour demander ma route. La pluie et le vent font rage, et sur ce sentier de rizières je glisse à chaque pas, et risque de tomber dans l’eau ; je comprends la difficulté pour les chevaux de passer sur de tels casse-cou où les hommes eux-mêmes ne peuvent se tenir debout, et je me réjouis d’avoir renoncé à mon voyage à travers cette province, en un tel moment.

Je suis couvert de boue — à cause des chutes que je fais à chaque pas, sur cette crête glissante, au milieu d’une obscurité profonde — et exténué de fatigue, quand j’aperçois enfin quelques lanternes m’indiquant l’approche du village où j’arrive brisé, absolument incapable de marcher davantage. Je