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s’est retirée, l’eau est plus basse et la couche de vase qui s’est découverte sur les rives montre la difficulté de s’embarquer.

En effet, les heures s’écoulent, aucune barque ne reparaît. Ce soir mon cheval n’aura rien à manger et rien pour s’abriter, malgré la pluie qui tombe sans cesse ; il est mort de faim et veut dévorer le toit de paille de la chaumière. L’unique chambre est envahie par la bande de Coréens ; ils attendent, eux, avec une insouciance admirable le jour suivant, sans une plainte contre moi qui les ai empêchés de s’embarquer. Je passe la nuit dehors, sous un abri léger de paillotte, préférant le froid de l’extérieur à l’odeur de cette chambre où vingt personnes sont entassées et ronflent consciencieusement.

Le lendemain, vers dix heures, malgré le vent, la pluie je vois la barque revenir, montée par mon domestique et le batelier. Celui-ci débarque furieux, disant qu’il a été obligé de passer à la suite des menaces du mapou, qui apporte de l’orge pour mon cheval. Mon brave Chinois est complètement mouillé, couvert de boue ; il m’explique, dans son français comique, la difficulté, sous la pluie, de marcher dans les sentiers de rizières, depuis le village de Tong-tchaine, à huit kilomètres de là.

Le vent est très fort, et d’ailleurs le niveau de l’eau baisse, le reflux commence, il nous faut encore attendre jusqu’au soir pour effectuer la traversée.

Interminable journée que nous passons là, transis, presque sans manger. Mon mapou a cependant eu la bonne idée d’apporter pour moi des provisions, viande froide et biscuits, et pour le cheval, de quoi l’empêcher de mourir de faim. La pauvre bête, mouillée jusqu’aux os, tremble et fait peine