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trois cents Japonais. La rade est magnifique et bien abritée. Les Russes y ont un dépôt de charbon. Dans tous ces îlots vit une population de pêcheurs et de chercheurs de perles très indépendante, ne payant pas d’impôts. C’est le refuge assuré de tous ceux que la potence guette dans l’intérieur de la Corée.

Attablé dans le salon, je pense aux absents, aux amis et collègues qui à l’heure actuelle vivent — comme moi — sur quelque coin perdu de notre planète, et que je retrouverai peut-être un jour à l’antipode du lieu où je les suppose être, perçant quelque sombre tunnel ou préparant, à coups de tachéomètre le tracé d’un futur trans-quelque part.



Ce matin, navigation difficile, brouillard et îlots dangereux. Nous croisons quelques pêcheurs. La cloche sonne le déjeuner, et chacun s’installe plein d’appétit en face d’un menu artistiquement dessiné.

Et, pendant que les îlots défilent à travers le hublot, je me rappelle les repas d’antan sous la tente, sans menu colorié, ceux-là, et le français de mon cuisinier annamite, auquel, moi-même, je devais parler un langage baroque :

— Qu’est-ce qui en à faire manger, ce matin, cuisinier ?

— Mousieur, premier y en a potasse (potage) : second, y en a eup-la-plat (œuf-au-plat) ; troisième, y en a foulet tomasses (poulet aux tomates !) ; quatrième, y en a…, etc., etc.