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modément sur le devant de l’estrade, à quelques pas des comédiens.

Pendant que le rideau est baissé, jetons un coup d’œil dans la salle. C’est maigre comme décoration. De simples banquettes de bois, recouvertes du fameux tapis rouge en rouleaux à une piastre, font office de fauteuils, à toutes les places, sans distinction. Les spectateurs sont réduits, pour tout chauffage, à leur chaleur animale, et seuls, deux poêles, installés dans chacune des loges, remplacent les calorifères.

Comme éclairage, c’est plus pauvre encore ; quelques rares lampes électriques contribuent difficilement à illuminer cette vaste salle. Tel que, cependant, c’est encore mieux que le théâtre annamite d’Hanoï, où il faut s’entasser pêle-mêle sur des banquettes de bois, dans une « cagna » sombre, mal éclairée par des lampes fumeuses, les pieds sur la terre et la tête à quelques centimètres du toit !

Dans la loge, en face de moi, sont réunis quelques élégants fils de famille, fêtards turbulents et bruyants, au parler haut, aux allures efféminées. Ils viennent là cueillir les sourires et les œillades intéressés de « Clair de Lune » ou de « Jade brillante », les danseuses qui paraîtront tout à l’heure.

Ils portent le chapeau de crin noir, mais à huit reflets, le chapeau « chic » que seules les bourses bien garnies peuvent s’offrir. Leur robe est de soie plus ou moins foncée, bleue, rouge ou marron. Ils portent, pour se donner sans doute un air d’européanisés, de superbes lunettes à monture d’or. Il leur serait difficile de porter, avec la même assurance, un lorgnon, la forme de leur nez en empêchant absolument l’usage.