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Le bœuf est le chameau de la Corée, et comme ce dernier, il s’effraie des étrangers, dont la vue suffit à lui faire faire demi-tour, entraînant dans ce mouvement brusque corde et conducteur. Celui-ci, tiré brutalement de sa torpeur, ouvre une bouche démesurée pour tenir serrée, tendue, la bride de son grand chapeau, lève la tête pour voir ce qui arrive, et se précipite, en brandissant sa pipe, derrière sa bête affolée qui dans sa course perd son chargement.

Ils sont tout de même plus civilisés, ces braves animaux, que les buffles d’Indo-Chine, qui, loin de s’enfuir à la vue d’un casque blanc ou d’un vêtement européen, chargent volontiers cet adversaire inattendu et… surpris.

Je m’engage à présent dans le sentier en escalier, taillé dans le rocher qui sépare Ma-po de Ryong-sane, l’autre port du Hane. Un petit village de pêcheurs et de contrebandiers escalade ces pentes rocheuses. Avec ses ruelles tortueuses, en pente, fermées par des portes de distance en distance, bordées de maisons croulantes et de puits où des Rébecca horriblement sales et peu attrayantes viennent puiser l’eau claire qui filtre de la colline, ce coin de Ma-po a plutôt l’air d’un village yunnanais, avec ses murs de soutènement, en pierres sèches. Il est dans tous les cas fort pittoresque et sauvage.

En hiver, les pêcheurs s’installent sur la glace, près de trous qu’ils percent au travers de la croûte gelée, qui a de quarante à cinquante centimètres d’épaisseur, et là, ils descendent leur ligne de fond. Ils restent blottis sous leur vêtement ouaté, la nuque garnie d’un bonnet fourré, abrités parfois contre la bise glaciale par un faible paravent en paille, assis