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frais de ce nouveau deuil. C’était en présence de ce dénuement qu’elle s’était décidée à se vendre pour gagner l’argent nécessaire à l’enterrement de sa mère.

Tout ému, le brave Hong Mou la félicita pour cet acte de piété filiale, mais il lui promit de la laisser tranquille à Nanking, la priant seulement d’accepter — pour rendre les derniers devoirs à sa mère — l’argent qu’il venait de gagner, et qu’il s’apprêtait à dépenser honteusement.

— Soyez ma sœur, lui dit-il, et regardez-moi comme votre frère aîné.

La jeune fille accepta l’offre du marchand avec reconnaissance car elle lui permettait de tenir son rang de fille noble, d’enterrer sa mère et de payer ses dettes. Hong Mou s’en retourna en Corée, heureux de sa noble action. Malheureusement, elle ne lui porta pas bonheur, car ayant abandonné le gain énorme qu’il avait fait, il ne tarda pas à végéter, puis à tomber dans la plus complète misère. Naturellement, ce changement de fortune éloigna de lui ses amis, et n’ayant plus personne, il quitta la capitale et s’en alla vers le sud, exerçant le métier de musicien dans une troupe de danseurs. Il vécut ainsi plusieurs années de son pauvre métier de « kouk-sa » qui lui permettait tout juste de vivre. Il avait oublié la jeune fille, sa sœur de Nanking, qu’il avait sauvée du déshonneur. Celle-ci était d’une grande famille et avait épousé un parent qui devint rapidement premier ministre en Chine. Elle n’oubliait pas son sauveur. Son unique préoccupation était — au contraire — de le retrouver, et de lui rendre tout l’argent qu’elle en avait reçu. Comme elle ne voulait pas en demander à son mari, elle se mit courageusement à