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bre des pins aux branches contorsionnées ; les coquets villages qui s’étagent au bord de la mer étincelante, et s’enveloppent déjà d’ombre et de fumée, car c’est l’heure où les ménagères, trottinant sur leurs ghettas sonores, se hâtent à la préparation du riz familial. Des bateaux de pêche s’empressent vers les criques, doucement balancés et penchés sous le poids de leur haute voilure blanche ou rougeâtre, de toile ou de nattes. Ils portent dans leurs flancs des milliers de poissons qui constituent, avec le riz, la base de l’alimentation japonaise.

Les rizières resplendissent comme des glaces partout où le rocher ne se rencontre pas. Elles montent, montent sans cesse sur les flancs des coteaux, après avoir absorbé la plaine, utilisant la moindre plateforme, le moindre filet d’eau, et montrant combien l’espace est rare au Japon, quels prodiges doivent faire les cultivateurs pour obtenir deux récoltes différentes, sans lesquelles l’immense population nippone ne pourrait pas vivre. Et, malgré ce dur labeur, le Japonais est toujours gai, jamais las.

Maintenant l’ombre s’étend partout ; les bonzeries, les temples — ils sont légion — se perdent dans la verdure des arbres centenaires des vieux parcs vénérés, remplis d’idoles dorées aux visages souriants, et le Japon, dentelé, mignard, tel que ses artistes le représentent, avec le Fujiyama dans le fond, disparaît à l’horizon.

En cette saison la brise est fraîche, et après le coucher du soleil le pont est intenable. J’en profite pour m’installer dans ma cabine, suffisamment confortable pour un si petit voyage, et je me félicite d’avoir pris le Genkai Maru, l’un des meilleurs bateaux de la Compagnie qui en quinze heures envi-