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MERLIN L’ENCHANTEUR

« Ève tenait toujours le rameau feuillu : elle résolut de le garder en souvenir de l’arbre d’où son malheur était venu, et, comme il n’y avait en ce temps ni huche ni coffre où elle le pût mettre, elle le piqua en terre. Mais, là, ce rameau s’enracina et, par la volonté du Créateur, il crût si dru qu’en peu de temps il devint un grand et bel arbre, blanc comme neige de tige, de branches, de feuilles et d’écorce. Et ainsi était-il pour signifier qu’Ève était chaste lorsqu’elle le planta. Et il semblait leur dire :

« Ne désespérez point parce que vous avez perdu votre héritage, car vous ne l’avez pas perdu pour toujours. »

« Adam et Ève furent réconfortés par la vue de ce bel arbre couleur de neige, et ils le firent multiplier, car ils en détachèrent des rameaux qu’ils plantèrent et qui poussèrent tout blancs comme le premier. Et ainsi se forma un bois sous lequel ils allaient volontiers pour se reposer.

« Un vendredi qu’ils y étaient assis, une voix leur commanda de s’unir charnellement. Mais, en l’entendant, l’homme et la femme furent pleins de honte, car ils ne purent souffrir la pensée de se voir l’un l’autre en une œuvre si vilaine. Or la volonté de Dieu était d’établir la lignée humaine et de réformer ainsi la dixième légion des anges qui avaient trébuché du ciel par orgueil, et elle ne pouvait être détournée ;